Voilà des années que les jeux narratifs ont le vent en poupe, et avec des approches qui se veulent assez variées, ils ont su capter l’attention d’un vrai éventail de joueurs et joueuses. Sur les traces de Quantic Dream et Telltale Games, Supermassive Games fait figure de studio de choix quand on pense aux expériences cinématographiques aux multiples embranchements, mais les développeurs britanniques d'INTERIOR/NIGHT entendent bien ajouter leur pierre à l’édifice en adoptant leur propre style visuel. As Dusk Falls a déjà fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines, notamment depuis l’annonce de sa sortie sur le Game Pass, qui lui a donné juste ce qu’il fallait de lumière pour le mettre dans le viseur des amateurs du genre. Sans avoir la prétention d’avoir pu tout voir de ce que réservent les nombreuses variations de son intrigue, nous en avons découvert suffisamment pour vous donner notre avis sur le jeu.
Le jeu de INTERIOR/NIGHT nous permet de suivre le destin croisé de deux familles qui vont se rencontrer au pire moment imaginable, ce qui laissera immanquablement des traces vous vous en doutez. Vince Walker, sa femme Michelle et sa fille Zoe sont sur le point de changer de vie suite à un problème ayant eu lieu sur son lieu de travail. Ils laissent donc derrière eux la Californie pour rejoindre le Missouri, région natale de Michelle, et emmènent avec eux Jim, le père de Vince, qu’ils doivent déposer sur la route. La présence de Jim parmi eux est rendue d’autant plus difficile que ce dernier vient subitement de faire son retour dans la vie de son fils, qu’il avait abandonné avec sa mère bien des années auparavant. De l’autre côté du ring, on trouve les frères Holt, Jay, Dale et Tyler, qui s’escriment à sortir leur famille d’un bien mauvais pas. La fratrie va malheureusement faire une erreur dramatique en décidant de cambrioler la maison du shérif local d’un patelin en Arizona. Après s’être croisés une première fois sur la route, non sans graves conséquences pour la suite, les deux familles vont de nouveau se retrouver face-à-face dans le motel où les Walker ont été forcés de s’arrêter pour la nuit. D’autres protagonistes vont évidemment intervenir dans le drame, dont le shérif Dante Romero. Voilà pour les prémices du scénario, dont nous ne dirons plus rien dorénavant pour ne pas risquer de vous gâcher la surprise.
Les mécaniques de gameplay de As Dusk Falls sont plutôt limitées, même quand on compare le jeu aux productions Supermassive Games ou Quantic Dream. Ici, il n’est en effet jamais question de déplacer son personnage dans les environnements, on se contente de choisir les répliques des personnages, de scanner les décors à l’aide d’un pointeur de souris pour décider quoi faire, ou de réaliser quelques QTE relativement simples (marteler la touche A suffisamment vite ou la maintenir, appuyer dans la bonne direction au bon moment, vous voyez le tableau). Ce n’est pas réellement critiquable, dans le sens où le genre narratif nous a déjà habitué à une certaine “passivité”, mais il faut en avoir conscience avant de se lancer dans l'aventure. On se trouve en effet face à un véritable film interactif dans le sens le plus littéral du terme. La plus grande originalité du titre tient finalement à son approche visuelle, qui tire vers le roman photo (ou graphique si vous préférez), avec une succession d’images fixes (à l’exception de quelques courtes cinématiques parfois) où les personnages parlent donc sans jamais bouger les lèvres. Le tout est suffisamment bien monté pour donner un peu de dynamisme à l’ensemble et on parvient toujours parfaitement à suivre qui s’exprime. On imagine que tout le monde n’adhèrera pas obligatoirement à cette idée, mais force est de constater que cela ne nuit pas à l’immersion et que l’on s’attache malgré tout aux différents protagonistes. Le choix d’utiliser de vraies photos du tournage (même si les acteurs et actrices que l’on voit à l’écran sont souvent joués vocalement par d’autres) plutôt que d’avoir opté pour des personnages modélisés par les développeurs fait mouche, car à défaut d’avoir droit à des visages animés, leurs expressions faciales, certes figées, communiquent parfaitement leurs états d’âmes et leurs réactions.
Le fait de pouvoir y jouer en VOSTFR, mais également avec un doublage français intégral, est aussi une excellente chose tant cela va satisfaire aussi bien les puristes que celles et ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’anglais. Dans les phases où il faut prendre une décision rapide, c’est toujours appréciable. Nous avons d’ailleurs trouvé le travail des comédiens et comédiennes de doublage tout à fait satisfaisant, avec un rendu global qui n’est pas sans rappeler les séries policières américaines que l'on peut voir à la télévision. Nous n’avons pas remarqué de voix iconiques du milieu dans la VF, mais nous devons avouer notre méconnaissance du milieu actuel du doublage, aussi faut-il prendre ce que nous disons avec des pincettes. En anglais, on peut souligner la présence vocale d’Elias Toufexis, connu pour avoir incarné Adam Jansen dans les deux derniers Deus Ex (Human Revolution et Mankind Divided) et le méchant Kobin dans Splinter Cell Conviction (avant dernier épisode en date de la série). Toufexis joue ici le rôle de Vince Walker, l’acteur ayant prêté ses traits au personnage étant Oliver Britten. Casting vocal toujours avec Jane Perry, que l’on a entendu il n’y a pas si longtemps dans Returnal (Selene) et la série Hitman (Diana Burnwood). Les fans de Quantic Dream reconnaîtront aussi (à sa voix aussi bien qu’à son image) Sam Douglas, qui donnait vie au Scott Shelby dans Heavy Rain.
Pour revenir au déroulement du jeu et à sa construction, As Dusk Falls étire son expérience grâce à l’inclusion de flashbacks, qui ont pour but d’interrompre brièvement la trame narrative principale pour laisser certains événements en suspens et étoffer la caractérisation des personnages. Certains y verront là une cassure de rythme malvenue, mais c’est un ressort narratif classique qui a déjà fait ses preuves. Trop classique sans doute, mais nous n’avons pas vu cela comme un défaut, d’autant que l’on peut influer sur l’évolution des relations entre les personnages. Comme il l’est maintenant de coutume dans les jeux du genre, chaque chapitre se termine par des écrans qui récapitulent nos actions et nos décisions. Le premier indique quel type de personne est le joueur sur la base de trois critères (valeur, traits de personnalité et style de jeu) tandis que le second retrace toute la structure narrative dudit chapitre. A la manière d’un Detroit Become Human, on peut donc vérifier tous les embranchements débloqués et se rendre compte de tout ce que l’on a pu rater. Bien sûr, pour ne pas spoiler quoi que ce soit au joueur, les chemins non suivis ne sont pas détaillés, ce qui fait qu’il faudra forcément revenir sur le jeu une fois terminé pour découvrir toutes les possibilités scénaristiques qu’il renferme. Il faut compter en tout et pour tout environ six heures pour terminer une première fois le jeu, ce à quoi il faudra ajouter le temps nécessaire pour voir tout ce qu’il reste. Encore une fois, c’est du classique, mais le fait est que INTERIOR/NIGHT a rondement mené son affaire et que l’on se prend complètement au jeu.
Comme As Dusk Falls est intégré au Game Pass, il est évident qu’il est destiné à un joli succès cet été, et c’est tant mieux. On regrette juste que la navigation sur l’écran se fasse avec un pointeur de souris peu véloce, même quand il faut choisir une réplique, alors qu'un appui sur des boutons aurait eu plus de sens. De plus, on sent parfois que le titre a avant tout été pensé pour les plateformes mobiles et tactiles quand on voit apparaître un “Glisser/Swipe” à l’écran pour accompagner une touche directionnelle lors d’un QTE. De simples détails nous direz-vous, mais nous tenions tout de même à les évoquer. Pour autant, et malgré une seconde partie moins réussie, nous n’avons pas boudé notre plaisir en découvrant les destinées des Walker et des Holt, qui nous ont suffisamment tenu en haleine pour nous motiver à continuer notre partie. On donne donc rendez-vous au studio britannique pour leur prochain jeu, quelle que soit la route sur laquelle il décide de nous emmener.
Tous les commentaires (9)
Le suicide du père
C'est vraiment pas mal pour l'instant.
J'ai mis six heures aussi pour finir l'aventure, une en moyenne par chapitre.
Et j'ai beaucoup aimé: un excellent jeu à la Telltale, mais qui fait l'économie des phase de pseudo-gameplay souvent peu intéressantes (hors QTE, qu'on peut toutefois simplifier au max si on le souhaite), pour se concentrer sur la narration et les choix des personnages. En ce qui me concerne, j'ai complètement adhéré aux visuels type BD animée, qui donnent du caractère au titre d'Int./Night.
Remarque pour Driftwood:
Le suicide du père
C'est vraiment pas mal pour l'instant.