Dans les années 70-80, les jeux d'aventure textuels avaient le vent en poupe et aucun gardien autoproclamé du "temple" ne prétendait discuter leur statut de jeu vidéo. Quelques décennies et débats stériles plus tard, le genre est devenu confidentiel mais il reste des studios pour défendre cette approche atypique du jeu vidéo. Et c'est une bonne chose. Nous nous attardons aujourd'hui sur l'un de ces titres, Werewolf: The Apocalypse - Heart of the Forest.
Maia est une jeune étudiante américaine qui décide de se rendre dans un petit village polonais que sa famille a fui pour des raisons qui, à défaut d'être mystérieuses vu le titre du jeu, lui sont inconnues. Ce pèlerinage fictif se déroule cependant pendant un événement bien réel datant de 2016, à savoir le bras de fer entre le gouvernement polonais et les organisations écologistes concernant l'exploitation de la forêt primaire de Bialowieza. À ces considérations généalogiques et écologiques vient s'ajouter la dense mythologie du jeu de plateau dont Werewolf: The Apocalypse est issu, ainsi que certaines de ses mécaniques. Pour un jeu dont l'intrigue s'étend sur environ 5-6 heures, cela fait beaucoup.
Sur la forme, l'expérience se révèle plutôt efficace. L'écriture est agréable, penchant vers la poésie sans sombrer dans un lyrisme trop lourd. L'ambiance est renforcée par un habillage sonore sobre et des visuels stylisés évocateurs. Quelques d'illustrations supplémentaires, notamment pour les personnages secondaires, n'auraient pas fait de mal, mais là n'est pas l'essentiel. L'évolution de Maia, ou plutôt son éveil à son sanglant héritage, offre un récit relativement sombre et prenant et même s'il n'y pas franchement de suspense quant à l'intrigue, les choix et les sacrifices que l'on doit faire en chemin demeurent significatifs. Le jeu contient également suffisamment d'embranchements pour justifier plusieurs runs. L'ancrage réaliste et écologique s'avère aussi bien pensé, offrant un lien vers la mythologie des loups-garous, même si la place prépondérante que prend Maia dans le conflit, en 3 jours à peine, manque de crédibilité.
Les choses se détériorent pourtant avec l'intégration de l'univers du jeu de plateau. Non pas que celui-ci soit raté, bien au contraire. Il s'avère riche, profond, complexe, mélangeant idéologie, croyances, rites, évolutions et conflits. Malheureusement, cette dimension apparaît au 3/4 de l'aventure et prend la forme d'un gavage soudain d'informations dont le potentiel n’a absolument pas le temps d'être exploité avant la fin de l'histoire. Fondamentalement, Heart of the Forest tient plus d'un épisode pilote que d'un récit complet. De plus, la mécanique de base consistant à prendre des décisions se voit alourdi de ressources (Rage, Volonté, Santé) et de traits (spirituel, analytique, courageux…), qui affectent les possibilités s'offrant à vous. Or, la relation entre ces différents éléments n'est pas toujours très claires, tout comme l'intérêt intrinsèque de la chose. Un système épuré des choix/conséquences aurait donc largement suffi pour profiter de cette aventure.