Sorti à la base gratuitement sur itchio, Out of Sight était un jeu-concept très court (comptez une petite demi-heure pour le terminer) réalisé en six semaines par une équipe de huit personnes. Deux ans plus tard, le voici devenu un titre complet, et bien que toujours assez limité en termes de durée de vie (il vous faudra largement moins de quatre heures pour en voir le bout), il mérite amplement que l’on vous en parle dans une nouvelle review.
Sophie est une enfant captive d’une inquiétante marâtre qui la retient contre son gré dans une chambre dont la porte a été remplacée par des barreaux. Comme si la situation n’était déjà pas dramatique pour l’enfant, elle doit aussi faire face à un handicap conséquent puisque la pauvre est totalement aveugle. Inutile de dire que tout espoir d’évasion semble bien compromis pour la malheureuse, mais c’était sans compter sur la seule présence bienveillante qui se trouve à ses côtés. Teddy, son ours en peluche, va en effet pouvoir lui prêter ses yeux et lui rendre la vue. On ne sait évidemment pas comment ce miracle est possible, mais grâce à lui, Sophie va réussir à s’échapper de sa geôle et tenter de fuir cette maison de fous, où sa présence semble liée à une sorte de rituel que celle qu’elle nomme Maman Janna compte réaliser ce soir-là. Poursuivie inlassablement par un domestique aussi dévoué qu’effrayant, la petite fille va devoir traverser la maison en l’évitant et en comprenant comment contourner les différents obstacles qui se dresseront devant elle. L’ambiance est pesante, rappelant des titres comme Among the Sleep ou même Little Nightmares (pour ses personnages menaçants et difformes), mais le personnage de Sophie parvient à contrebalancer tout cela en mettant en exergue toute l’innocence de l’enfance. Grâce à un excellent doublage (au point que l’on se demande même si l’infortunée héroïne n’est pas jouée par une vraie enfant), une direction artistique très soignée, et des éclairages utilisés avec intelligence, on s’immerge très rapidement dans cet univers sombre et glauque, et c’est clairement l’une des belles réussites du titre.
Mécaniquement, Out of Sight part sur un très bon concept, et dans un sens, il l’exploite plutôt bien, mais pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut tout d’abord accepter le fait qu’il ne se dépareille jamais de son statut de jeu vidéo. Par conséquent, il est obligatoire de mettre de côté son scepticisme et ne surtout pas s’opposer à la suspension consentie d’incrédulité, sous peine de finir par critiquer certains choix de game design du début à la fin. Une règle que l’on peut sans nul doute appliquer à bon nombre d'œuvres, qu’il s’agisse de jeux vidéo, de films ou de livres, mais qu’il est parfois plus ou moins aisé de faire accepter dans le cadre d’un “objet” interactif qui vise à nous immerger dans un monde crédible. Pour commencer, d’un point de vue strictement narratif, il ne faudra pas s’étonner de découvrir dans la chambre même de Sophie la présence d’une ouverture permettant d’accéder aux espaces étriqués situés derrière les murs. On pourra toujours arguer qu’il était peu probable qu’elle finisse par trouver cette issue de secours cachée compte tenu de sa cécité, mais cela reste un peu ridicule quand on y pense. Ces passages dans les murs de la sinistre demeure deviendront de plus si fréquents qu’ils rappelleront forcément ce grand poncif du jeu vidéo que sont les séquences dans les conduits d’aération que nombre de héros ont eu à traverser depuis que le médium existe. D’autant qu’en dehors des moments où l’on aura droit à quelques scripts de mise en scène pour les dynamiser un peu, ils n’auront pas d’autre intérêt que de fournir une petite respiration entre deux phases de jeu, ou d’écouter Sophie en train d’essayer de rassurer son compagnon en peluche. De notre point de vue, ils auraient clairement pu être raccourcis et/ou rendus moins systématiques, même si cela reste un petit détail au final. Enfin, il ne faudra pas vous étonner si vos poursuivants ne vous tombent pas systématiquement dessus au moindre bruit que vous ferez, il faut bien que vous puissiez réfléchir un peu.
Out of Sight étant ce que l’on appelle un puzzle game, basé donc sur la résolution d’énigmes et de problèmes qui tournent autour d’un même concept de base, il faut partir du principe que chacune des pièces où l’on va vous demander de triturer vis meninges comportera forcément certains éléments clefs, à commencer par un (ou plusieurs) emplacement pour déposer Teddy, représenté par un confortable coussin violet. Mais à ce stade de l’article, il faudrait tout de même que l’on vous explique la nature du concept derrière Out of Sight. Comme nous vous expliquions plus haut, Teddy octroie à Sophie la possibilité de voir le monde à travers ses yeux à lui. Dans les faits, cela se traduit par des phases en vue à la première personne à chaque fois que la petite fille le porte dans ses bras, en alternance avec des passages à la troisième personne où la caméra devient plus ou moins fixe (il est possible de tourner la tête de Teddy et il arrive aussi que celui soit placé sur un rail qui permet de le déplacer - automatiquement ou manuellement). C’est ainsi que se présentent les puzzles et énigmes à résoudre, le but du jeu étant de comprendre quelles actions effectuer une fois Teddy délicatement déposé, car évidemment, Sophie ne peut ni grimper, ni interagir avec le moindre objet tant qu’elle le tient dans ses bras. Il est souvent question de déplacer des chariots à roulettes plus ou moins hauts, de pousser des planches pour créer des passerelles ou des ponts, de trouver comment maintenir l’activation de plaques de pression au sol, etc. Simples ou départ, les énigmes se complexifient un peu par la suite, sans jamais devenir trop difficiles à surmonter. Teddy dispose également d’une compétence particulière qui lui permet de viser un point précis de l’environnement pour briser une attache, voire un morceau de bois ou une latte du plancher. Ces interactions sont évidemment scriptées et vous ne pourrez les réaliser que quand le jeu l’aura prévu, une icône représentant un œil apparaissant à l’écran quand l’action est possible.
En règle générale, lors des séquences de réflexion, il n’y aura aucun danger, donc pas d’urgence à réagir rapidement. Déambuler dans la maison impliquera cependant aussi de faire profil bas et de ne surtout pas se faire remarquer, en évitant de déclencher les pièges à souris disposés dans les couloirs ou de faire du bruit en heurtant les objets suspendus au plafond par des cordes. Rien de très compliqué, d’autant que le jeu ne se veut pas très punitif à cet égard, une simple erreur ne se soldant jamais par un écran de Game Over. En revanche, ils sont déjà nettement plus nombreux lors de certaines phases d’infiltration qui, si elles s’avèrent toujours excellentes en termes d’ambiance, de mise en scène et de tension, ne sont pas toujours gérées de manière très juste. Ainsi, on se fait parfois repérer sans que cela ne semble toujours bien cohérent, alors que l’on se trouve pourtant caché derrière un élément du décor. Ce côté imprévisible (dans le mauvais sens du terme) peut donc s’avérer assez frustrant, même si ces phases ne s’étendent jamais trop en longueur heureusement. Reste que les reprendre à zéro, soit parce que l’on pense que le jeu nous a joué un tour pendable, soit parce que nous n’avions tout simplement pas fait exactement ce qui était prévu, risque d’en agacer plus d’un. Il en va de même pour les passages où Sophie doit s’enfuir à toutes jambes. En cela, on pense une fois de plus à Little Nightmares II, qui ne pardonnait aucune erreur dans ce genre de situations, et qui transformait l’expérience en bête “die and retry”. Pourtant, la mise en scène de ces fuites éperdues les rend plutôt marquantes, sans doute même plus que dans le titre de Tarsier Studio. Dans Out of Sight, l’équipe de développement parvient toujours à trouver un petit détail pour les rendre uniques, en modifiant le point de vue, en demandant parfois de réaliser certaines actions. La mise en œuvre n’est toutefois pas toujours parfaite, la lisibilité gênant la prise de décision en une ou deux occasions. On peste donc légèrement contre le jeu avant de surmonter l’épreuve et de se dire que, finalement, c’était une bien chouette séquence.
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Tant pis j'attendrai une version console au pire, merci pour le test.